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Ekiwork : la réalité virtuelle pour sensibiliser au sexisme

Pour comprendre comment déconstruire les biais inconscients et réagir face au sexisme en entreprise, nous avons rencontré Elisabeth Chaudière, fondatrice d'Ekiwork. 

Peux-tu nous parler d’Ekiwork ?

Ekiwork, que j’ai fondé il y a deux ans et demi, propose des formations et de la sensibilisation aux comportements sexistes au travail. Pour avoir un impact aussi large que possible, nous nous appuyons sur un réseau très complet d’une dizaine de formateurs et formatrices indépendant.es, d’expert.es de l’égalité professionnelle, d’expert.es en facilitation, ou encore d’expert.es légaux (droit social, juristes). Pour l’instant, nous agissons principalement en Île-de-France, mais notre objectif est de pouvoir déployer notre activité un peu partout en France.

Ce que nous souhaitons, c’est toucher le plus grand nombre pour avoir un impact sur les comportements. On s’adresse bien sûr aux dirigeants et aux managers, mais aussi aux collaborateurs et à certaines personnes ressources comme les référents harcèlement ou sexisme, les RH, les juristes, les IRP, etc.

Pour cela, Ekiwork a développé plusieurs formats :

  • Des formations restreintes à 10/15 personnes, avec une pédagogie ludique, axées sur des challenges sous forme de quizz. On y partage des chiffres clés pour faire un état des lieux du sexisme.
  • Des mises en situation pour travailler sur l’empathie et pour comprendre ce que peut représenter une situation sexiste.
  • Des jeux de rôles pour savoir comment répondre ou réagir face à des comportements sexistes.

 On s’est aperçus que la réalité virtuelle était un outil très utile, notamment pour notre « sensibilisation flash » de 15 minutes : pendant 7 minutes, on est dans la peau de Zoé, cible de sexisme au quotidien pendant un an. Ensuite, on suit un e-learning pendant 7 autres minutes.

Pour aller plus loin sur ce type de format, nous sommes en train de modéliser un challenge digital en ligne permettant de sensibiliser toute une tour, des commerciaux aux RH. Le principe de ce produit, qui vise à toucher un maximum de monde, est de proposer chaque jour 5 questions « challenge » et 5 questions « pour aller plus loin » permettant d’explorer les fondamentaux, de partager des témoignages et des pistes d’action.

Quel est ton parcours, et quelle réflexion t’a amenée à lancer Ekiwork ?

J’ai travaillé dans de grandes entreprises en tant que cheffe de projet informatique pendant 8 ans. Je dirais que j’ai vécu du sexisme… mais en restant dans la moyenne. En parallèle de mon travail, je me questionnais sur le fait de fonder une famille et j’en suis arrivée à la conclusion que je considérais comme incompatible « faire carrière » et « faire des enfants ». J’ai lu King Kong Theory de Virginie Despentes, qui a été un autre déclencheur. A partir de là, je me suis formée toute seule à travers des conférences, des lectures… Et je me suis passionnée pour le sujet. J’ai participé à un hackathon organisé en mars 2017 par le Ministère des droits des femmes : c’est là qu’avec mon équipe, on a proposé un serious game de sensibilisation, et qu’on a gagné le hackathon.

En parallèle, j’ai toujours été passionnée par la notion d’éducation, de transmission. Issue d’une famille de chercheurs, je trouve essentiel de vulgariser des concepts pour les rendre accessibles à travers l’ingénierie pédagogique.

Comment mesurez-vous l’impact de votre action ?

Nous sommes encore jeunes, donc nous n’avons pas énormément de données, mais nous administrons un questionnaire avant et après la formation qui nous permet d’évaluer l’impact de celle-ci. On y mesure la capacité à identifier le sexisme, et la capacité à répondre ou agir. Le participant s’évalue donc de 1 à 10 sur sa capacité à donner une définition du sexisme et du harcèlement sexuel, des exemples d’agissements ou de réactions. Résultat : on observe quasiment systématiquement une différence importante entre le questionnaire rempli avant la formation et celui rempli après la formation, en particulier sur l’identification des comportements.

Par ailleurs, en formation, on voit aussi une évolution rapide – et ce d’autant plus que nous proposons une boîte à outils très pratique plutôt que des éléments théoriques. C’est très gratifiant de voir émerger la prise de conscience chez les participants.

Que penses-tu de la notion de « leadership féminin » ?

C’est un terme qui pose problème en soi. Je ne suis pas alignée avec l’essentialisation de qualités féminines (ni masculines), même s’il s’agit de choses valorisantes, parce que cela occulte le fait qu’il s’agit d’une construction sociale avant tout.

Je pense qu’il faut attaquer le problème des représentations stéréotypées et identifier comment on en arrive à attribuer des qualités, et donc des tâches, dès le plus jeune âge. Les stéréotypes sont le résultat d’une sociabilisation. Lorsque nous faisons nos formations, nous prenons le cas du travail domestique : entre 1999 et 2010, les hommes ont investi en moyenne 1 minute de plus sur le travail domestique. En 2012, les femmes réalisaient ainsi 3h26 de travail domestique. Comment comprendre ce chiffre ? Pourquoi cette répartition ? Est-ce que, par nature, les femmes seraient meilleures pour faire le ménage ou s’occuper des enfants ? Souvent, à ce moment-là de la formation, on observe une vraie prise de conscience.

Tout cela s’ancre généralement au plus jeune âge. Pour lutter contre la construction de ces représentations, il faut donc s’y prendre de mille manières. Nous avons choisi l’entreprise et non l’école, par exemple, parce qu’il s’agit d’un endroit de pouvoir : si l’entreprise change, la société changera aussi, en miroir. Pourtant, les formations que nous proposons sont seulement une facette de ce qu’il est possible de faire, à travers l’éducation, la politique, la justice, le développement de l’empathie, la culture populaire… Par exemple, il est essentiel de créer des role models qui montrent que les femmes peuvent réussir, des jeux vidéos aux dessins animés.

Concrètement, comment lutter contre le sexisme – voire contre la tentation, parfois, de considérer qu’il appartiendrait au passé ?

Souvent, lorsqu’on arrive dans une entreprise, on commence par nous annoncer qu’il n’y a pas de problème. La première étape pour pouvoir avancer, c’est de questionner cette affirmation.

Oui, évidemment, j’aimerais être vue et reconnue comme « une personne », neutre, et non comme « une femme » ; malheureusement, ce n’est pas le cas et le sexisme est un problème très actuel. La première étape, c’est de le reconnaître et de le prendre en compte. C’est pour ça qu’on parle de « féminisme » et pas d’ « humanisme » ; de « girl power » et pas de « human power ».

Selon toi, le cadre légal actuel est-il suffisant ?

Depuis 2016, la loi Rebsamen permet de condamner les « agissements sexistes » en entreprise (compétences, grossesse…). Elle a été renforcée en 2018 - 2019 (loi sur le dialogue social + décret), pour mieux prévenir le harcèlement sexuel : mise en place de dispositifs de signalement, de référent.es (1 côté CSE / 1 côté employeur minimum – dans certaines entreprises il peut y en avoir une vingtaine), de démarches de sensibilisation. A partir du moment où les entreprises ont dû former leurs référent.es, il y a eu une volonté que ça soit partagé par tout le monde et pas « juste » par un.e référent.e.

L’Index de l’égalité professionnelle, je pense, va permettre de faire bouger les lignes dans les grandes entreprises. Il va notamment nourrir l’argumentaire des lobbyistes et favoriser un accord professionnel beaucoup plus poussé, plus intelligent, et le fait que tout le monde s’y intéresse. Faire en sorte que les hommes prennent leur congé paternité, leur payer un congé plus long, arrêter les réunions à 18h… : autant d’éléments essentiels pour permettre aux femmes d’accéder à des hauts postes. Je suis persuadée que cela permettra de mettre en place de vrais accords, mieux négociés, par plus de monde.

En formation, je rappelle souvent que, bien que l’immense majorité des victimes du sexisme soient des femmes, nous œuvrons aussi pour libérer les hommes de la masculinité toxique. Le sexisme enferme et ne profite à personne.

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