Un article de Tiphaine Galliez, consultante chez Great Place To Work®
Il existe cinq niveaux de leadership : c’est en tout cas ce qui ressort de l’étude menée par Great Place To Work® auprès de plusieurs centaines d’organisations à travers le monde[1].
Qui sont les 5 profils de leaders ?
Le « leader malgré lui » (niveau 1) ne se rend pas compte de l’importance de son rôle dans l’organisation. Il raisonne plutôt en termes de « salariés » que de « personnes ». Il connaît des difficultés à communiquer de manière transparente et à reconnaître le mérite de chacun. Ce leader en est peut-être là faute d’accompagnement managérial, ou à cause de problèmes personnels. Il a besoin de soutien, de formation pour comprendre l’importance de son rôle au-delà de l’atteinte des objectifs de performance.
Le « leader partial » (niveau 2) est inconstant dans ses pratiques en fonction des collaborateurs. Il crée un contexte de favoritisme - ce qui nuit à l’épanouissement de son équipe et, par ricochet, à l’atteinte des objectifs. Ce leader a besoin de créer une relation de confiance avec l’ensemble de son équipe et au-delà dans l’organisation. La communication et la reconnaissance sont des leviers indispensables au développement de cette coopération.
Le « leader transactionnel » (niveau 3) est un très bon technicien et a sans doute été promu pour cela. Cependant il est difficile pour lui de dépasser cette posture et de développer des soft skills indispensables à un bon management. Le développement de ses compétences relationnelles et d’un réel intérêt pour ses collaborateurs est la clé pour les engager sur le long terme. L’écoute et l’association de son équipe aux décisions sont des réflexes indispensables à acquérir pour lui.
Le « bon leader » (niveau 4) est un très bon manager, à l’écoute de tous ses collaborateurs. Il a à cœur de les développer et de les reconnaître pour leurs contributions. Il est reconnu par ses pairs comme performant dans ce domaine. Afin de parvenir au dernier niveau, le bon leader doit se concentrer sur la coopération entre son équipe et le reste de l’organisation. Il doit également faire évoluer sa posture en mettant de côté un éventuel « ego de chef » pour mettre en avant ses collaborateurs.
Le « leader pour tous » (niveau 5) traite tous ses collaborateurs de la même manière, en toute confiance, et se met à leur service pour qu’ils atteignent leur potentiel. Son équipe est particulièrement innovante et positive. Elle collabore avec les autres équipes de l’organisation. Le leader « pour tous » est une référence sur le management même au-delà de l’organisation et n’hésite pas à partager son expérience. Pour maintenir ce niveau, il est important de réévaluer régulièrement le besoin des équipes et prendre le temps de se développer personnellement pour rester ouvert et flexible.
En quoi le « leader pour tous » surpasse-t-il tous les autres profils de leaders ? D’abord, il travaille en équipe et associe ses collaborateurs aux décisions. Il est reconnaissant, valorise leurs succès et les accompagne dans leur développement professionnel. Enfin, il les inspire en étant compétent, honnête et fiable.
Plus le niveau augmente en matière de leadership (et donc plus on observe de « bons leaders » ou de « leaders pour tous »), plus les collaborateurs sont nombreux à témoigner d’une expérience positive, avec un impact direct sur l’innovation, la productivité, la rétention et l’agilité organisationnelle.
Un leadership inclusif sert la performance de l’organisation
Great Place To Work® a calculé la moyenne du taux de réponses positives à 5 questions du Trust Index©[2] permettant à une entreprise d’identifier sa culture de leadership. Si cette moyenne se situe au-dessus de 80%, l’organisation valorise une culture du « leader pour tous » ; si elle se situe en-dessous de (ou est égale à) 50%, sa culture est plutôt celle du « leader malgré lui ».
On observe par ailleurs une distorsion de perception entre les managers et les non-managers : le manager, proche de la prise de décision, a plus tendance à avoir l’impression que la communication est claire. Le statut de manager – très valorisé en France – induit souvent une perception également plus positive sur les questions liées à la reconnaissance.
Or, l’homogénéité de perception entre managers et non-managers est fondamentale pour la performance économique des organisations. Les organisations lauréates du Palmarès Best Workplaces aux Etats-Unis ayant le plus petit écart de perception entre managers et non-managers sont aussi les plus performantes, et celles où la fidélisation, la fierté et la productivité des collaborateurs sont les plus importantes.
En France, les données sont tout aussi éloquentes : parmi les organisations distinguées au Palmarès 2019 dans la catégorie des « moins de 50 collaborateurs », le top 5 ne connaît aucun écart de perception entre « managers » et « non-managers » (contre un écart de 14% dans l’ensemble des organisations de moins de 50 collaborateurs participantes). Dans la catégorie 50 à 500, le top 5 connaît un écart de 9% (vs. 15%).
La tendance s’observe aussi dans les autres catégories, montrant que les great places to work, si elles ont bien évidemment une culture de leadership de haut niveau, ont aussi compris que l’inclusion « managers » / « non-managers » était un levier fort pour une performance sociale et économique pérenne.
Un leader ne vient jamais seul
Pour bien comprendre les mécanismes du leadership, il faut imaginer un équilibre entre deux systèmes cognitifs :
- Un système cognitif social permettant de se connecter avec les collaborateurs et de cultiver le sens de leurs actions
- Un système cognitif analytique permettant d’évaluer le contexte business et de mettre en place une stratégie
Un bon manager est celui qui réussit à mobiliser chacun de ses systèmes successivement en fonction de son contexte. Cependant, même avec un bon équilibre individuel, un manager n’atteindra le niveau 5 que s’il s’inscrit dans un contexte organisationnel favorable.
Sur le plan individuel, le « leader pour tous » doit :
- développer des relations justes et authentiques avec les collaborateurs, fondées sur le respect et l’humilité ;
- s’assurer que la vision globale est bien comprise, et que chacun identifie son rôle.
De son côté, l’organisation doit :
- maintenir un très haut niveau de confiance au sein de l’équipe dirigeante : exemplaire, crédible professionnellement, respectueuse et juste envers chaque collaborateur ;
- refléter l’organisation au sein du top management grâce à une diversité inspirante et source de meilleures décisions.
Devenir un « leader pour tous » : des actes, mais aussi un état d’esprit
Bien entendu, des pratiques managériales adaptées, constantes et généreuses sont indispensables à l’amélioration du leadership. Le « leader partiel » peut ainsi facilement atteindre le niveau suivant en développant des temps de communication réguliers avec l’ensemble de ses collaborateurs, et évitant ainsi le favoritisme.
A partir d’un certain niveau de leadership, les pratiques sont de bonne qualité. Ce qu’il reste à consolider, c’est l’état d’esprit du leader. Pour que les collaborateurs ne se sentent pas instrumentalisés, ils doivent sentir sa conviction véritable derrière ses pratiques. L’état d’esprit est donc un levier puissant, et pourtant souvent négligé.[3]
Par exemple, le « bon leader » met déjà en place de nombreuses pratiques constantes et qualitatives. Ce qui le distingue du « leader pour tous », c’est son état d’esprit : il agit encore pour briller personnellement, là où le « leader pour tous » va au-delà de ses propres intérêts pour permettre aux autres de briller.
Pour accompagner les leaders sur ce sujet, Great Place To Work® a formalisé le « Trust MindsetTM ». Cette approche permet de modéliser à quel point la confiance est étendue (nombre de personnes), mais aussi ancrée. Elle permet de prendre du recul sur la manière dont le leader aborde la confiance dans son équipe : a-t-il confiance en la capacité des gens à agir correctement ? S’attend-il à ce que les gens le déçoivent ? Un « low Trust Mindset » entame ainsi la crédibilité du leader, même s’il met en place de nombreuses pratiques. Un sentiment d’instrumentalisation se développera au sein de son équipe.
Pour devenir un leader généreux, trois leviers doivent être activés :
- Remettre en question ses croyances vis-à-vis de ses collaborateurs, du fonctionnement de l’organisation, de sa gestion des relations plus généralement
- Actualiser ses comportements
- Vivre ou partager des expériences qui changent son point de vue
En bref, un « leader pour tous » combine pratiques managériales qualitatives et état d’esprit généreux. Il accepte d’accorder sa confiance en premier et donc de se rendre vulnérable. C’est un travail au quotidien !
[1] Etude fondée sur l’analyse quantitative des données de l’enquête Trust Index© menée auprès d’un échantillon de 75 000 collaborateurs et plus de 10 000 managers, travaillant essentiellement aux Etats-Unis dans divers secteurs, dont la distribution, l’hôtellerie, l’industrie, la technologie, la finance et la santé. Cette analyse a été couplée à l’étude qualitative des verbatims des collaborateurs interrogés à deux questions ouvertes : « cette entreprise a-t-elle des aspects originaux ou particuliers qui font d'elle une entreprise où il fait vraiment bon travailler ? » et « si vous pouviez changer une seule chose pour que votre entreprise devienne ou reste une entreprise où il fait bon travailler, que proposeriez-vous ? ».
[2] « Le management a une idée précise des objectifs de l'entreprise et sait comment les atteindre », « Il y a cohérence entre les discours et les actions du management », « Le management nous associe aux décisions ayant un impact sur notre travail ou notre environnement professionnel », « Le management apprécie et valorise le travail bien fait et tout effort supplémentaire », « Le management fait preuve d'un intérêt sincère à mon égard en tant qu'individu et pas seulement en tant que salarié(e) ».
[3] Stanford Professor Carol Dweck - Mindset: The New Psychology of Success