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« La boussole de l’entreprise ne peut pas être uniquement financière »

Chaque mois, nous vous proposons un entretien avec Jullien Brézun, directeur général de Great Place To Work®. Pour la rentrée, il s’exprime sur les externalités positives et négatives des organisations, leur raison d’être et leur responsabilité sociétale.

Pour notre premier entretien, tu as choisi d’évoquer les « externalités positives et négatives » des organisations. Peux-tu expliquer pourquoi ce concept te tient à cœur ?

Cette année, les dividendes versées aux actionnaires dans le monde ont atteint un nouveau record de 514 milliards de dollars. En parallèle, les inégalités se creusent et cela ne manquera pas d’engendrer des problèmes sociaux de long terme.

Aujourd’hui, on peut donc légitimement se poser la question suivante : la seule finalité de l’entreprise est-elle uniquement de « faire des profits », comme l’a suggéré Friedman dans les années 1970 ? Ou l’entreprise a-t-elle une vocation élargie, qui doit la pousser à réfléchir à son impact de manière plus générale ?

Pour moi, c’est clairement cette dernière option qui émerge. La loi Pacte vient de modifier le Code Civil pour redéfinir l’objet social de l’entreprise : c’est un vrai choix stratégique et symbolique. J’ai une absolue confiance dans la prise de conscience de plus en plus large des dirigeants, responsables, et acteurs sociaux. Cependant, aujourd’hui se pose la question de l’évaluation rationnelle de cet impact.

De manière plus personnelle, le sujet me tient particulièrement à cœur en tant que dirigeant d’une entreprise dont le rôle est justement d’évaluer l’impact d’une organisation sur ses collaborateurs.

Qu’entends-tu exactement par le terme « externalités » ?

Les externalités, ce sont très concrètement les impacts, positifs ou négatifs, qu’une structure peut avoir sur ses différents « stakeholders », c’est-à-dire sur ses différentes parties prenantes. Par exemple, une entreprise qui, il y a 50 ans, fabriquait de l’amiante, pouvait avoir comme externalité positive de faire du profit de créer de l’emploi sans avoir la moindre conscience des externalités négatives que l’on connaît aujourd’hui.

Finalement, l’évaluation de la performance des entreprises se fait encore trop souvent uniquement par le prisme économique, via l’analyse des bilans, du « P & L » (profit and loss)… C’est essentiel, mais est-ce suffisant ?  

On a désormais besoin de pouvoir évaluer l’entreprise à travers sur toutes ces externalités, positives comme négatives, qu’elle a sur ses clients, sur la société, sur ses collaborateurs, sur ses actionnaires, sur l’environnement, sur ses fournisseurs, sur les infrastructures…

Si les entreprises endossent de plus en plus de responsabilités, comment celles-ci doivent-elles s’imbriquer avec celles des pouvoirs publics sans empiéter sur leur rôle ?

C’est vrai qu’on voit, à travers des études comme le Trust Barometer, que les acteurs économiques cristallisent aujourd’hui la confiance. Mais les politiques ont un rôle de premier plan à jouer. Pourquoi ? Parce que, tout simplement, contrairement à un patron, un homme ou une femme politique a été élu.e et porte la voix de la société civile. La démocratie représentative est essentielle parce que, comme le dit un fameux lieu commun, l’intérêt général n’est pas la somme des intérêts particuliers.

Prenons l’exemple des GAFA. Le combat contre leur absence de paiement d’impôts n’est pas un sujet financier : c’est un vrai sujet sociétal ! Certaines de ces grosses entreprises vont se justifier en expliquant qu’elles ne paient pas d’impôts, mais qu’elles réinvestissent l’argent pour construire elles-mêmes des infrastructures. En faisant ça, elles court-circuitent le système démocratique, se substituent à l’Etat et se soustraient à leur responsabilité sociale.

A qui l’entreprise doit-elle rendre des comptes ?

C’est à l’ensemble de ses stakeholders qu’elle doit rendre des comptes. Sa responsabilité n’a jamais été aussi importante ; et en même temps, elle n’a jamais été aussi orientée par ses objectifs financiers. Pourtant, Internet et les réseaux sociaux sont une nouvelle source de pouvoir citoyen : ils permettent au stakeholder « consommateur » de s’exprimer et de challenger massivement les entreprises.

Je suis aussi, bien sûr, animé par la conviction qu’on doit évaluer les impacts de l’entreprise sur ses collaborateurs. Finalement, chez Great Place To Work®, on essaie à travers nos enquêtes de factualiser cet aspect. En tant que tiers de confiance, je dirais que notre rôle est un rôle d’éclaireur : on met en lumière des choses qui sont là, mais que tout le monde ne voit pas.

Est-ce que, finalement, cette approche holistique signe la fin des démarches de RSE ?

En effet, l’évaluation d’impact qu’on fait chez Great Place To Work® n’est qu’un aspect de l’approche holistique qui doit aujourd’hui guider l’évaluation des entreprises sous toutes les coutures. La boussole de l’entreprise ne peut pas être uniquement financière. La situation actuelle en est une preuve, puisque la répartition des richesses n’irrigue pas équitablement les différents stakeholders. 

Les entreprises doivent rendre lisible et compréhensible par tous leur niveau d’impact. Celles qui arrivent à faire ça sont celles qui arriveront à aller plus loin dans leur rôle, à redéfinir leur raison d’être et leur mission.

Pour finir, l’évaluation doit permettre de passer à l’action. Agir, ça peut être compenser ses impacts négatifs par des impacts positifs, mais aussi chercher à réduire au maximum les externalités négatives tout en travaillant sur les positives. Le zéro impact est pour l’instant impossible, mais il faut y tendre.



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