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Au-delà de la performance : évaluer le potentiel des collaborateurs

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Comme chaque mois, nous vous proposons une interview de Jullien Brézun, directeur général de Great Place To Work® France. Ce mois-ci, il explique pourquoi les organisations doivent passer d’une simple évaluation de la performance à une évaluation beaucoup plus en profondeur du potentiel des collaborateurs.

Beaucoup de managers remettent en question la pertinence des entretiens annuels d’évaluation, ou entretiens de fin d’année. Que penses-tu de cette tendance ?

Je pense qu’on se pose les mauvaises questions. Bien sûr, la forme et la fréquence du feedback sont essentielles : évaluer ses collaborateurs, c’est comme réaliser un tableau impressionniste, fait de plein de petites touches de peinture régulières, et pas d’un grand coup de pinceau qui arrive un jour par surprise.

Au-delà de cette métaphore, sur le fond, il ne s’agit pas de savoir si on doit faire un entretien par an, ou plusieurs ; il s’agit plutôt de repenser les critères d’évaluation. Or il existe aujourd’hui, dans les organisations, une tension très forte : d’un côté, les collaborateurs sont en attente d’équité et de transparence sur ces critères ; et en même temps, personne ne veut être réduit à un chiffre. Les collaborateurs sont des individus uniques, et veulent être considérés comme tels. C’est pourquoi les entreprises doivent utiliser un double prisme (factuel / humain) pour maintenir ce difficile équilibre.

L’évaluation de la performance doit passer, bien sûr, par des KPIs très factuels. C’est important car ils incarnent la dimension prévisible, lisible, presque « mécanique » et donc équitable de l‘évaluation. Ces KPIs peuvent être chiffrés, mais aussi prendre en compte la dimension qualitative du travail et les « soft skills » du salarié.

Cependant, on ne peut plus se contenter, en 2020, d’être orienté uniquement sur les tâches et les résultats. En tant que manager, je ne peux pas m’intéresser qu’aux résultats de mon collaborateur : je dois aussi m’intéresser à sa personne. Il faut remettre de la sincérité, du sentiment dans le management pour réellement apprécier l’individu ; prendre appui sur la culture du chiffre pour finalement la dépasser et recréer de la confiance dans les équipes.

Comment redonner toute sa place à la dimension humaine tout en gardant des critères d’évaluation lisibles et transparents ?

Globalement, plus l’entreprise grandit, plus elle a tendance à multiplier les KPIs et à déshumaniser sa logique managériale. Dans les petites entreprises, on observe la tendance inverse : l’humain est présent, mais peut-être trop, et il est important de structurer des indicateurs précis et factuels pour contrebalancer le pouvoir de l’équipe dirigeante.

Je crois qu’il faut aujourd’hui arriver à trouver un équilibre entre la dimension humaine, et des KPIs structurés et factuels. Certes, « remettre de l’humain » implique une forme de subjectivité, et donc potentiellement de non-équité. En réalité, l’équité est ce vers quoi chaque organisation doit tendre, mais sans jamais s’imaginer qu’elle y est arrivée. Le manager doit avoir l’humilité de comprendre que sa perception n’est qu’une perception, qu’il n’est ni infaillible ni réellement objectif, et assumer cette subjectivité, tout en veillant, évidemment, à ne pas tomber dans l’injustice.

Pour créer, ou maintenir cet équilibre fragile, une des solutions peut être de revoir son schéma d’évaluation de performance pour le transformer en évaluation du potentiel des collaborateurs.

Qu’est-ce que ça veut dire concrètement, évaluer le potentiel plutôt que la performance ?

Le potentiel, concrètement, c’est : la compétence (hard et soft skills), multipliée par la motivation (adhésion aux valeurs et aux projets de l’entreprise), multipliée par la performance (factuelle).

Potentiel = Compétence x Motivation x Performance

 J’insiste sur le fait qu’il s’agit d’une multiplication et non d’une addition : par exemple, si un collaborateur est compétent et performant, mais qu’il a une motivation estimée à 0, son potentiel disparaît. Le manque total de compétence, de performance ou de motivation peut être complètement rédhibitoire dans l’évaluation du potentiel.

Or, c’est le potentiel de chacune et de chacun qui doit être développé par l’entreprise, dans une logique inclusive. Quel que soit son poste, son niveau dans la hiérarchie ou sa fonction, le potentiel de chaque collaborateur est essentiel pour la capacité de l’organisation à innover et à être performante.

De mon point de vue, c’est un challenge colossal, qui implique de revoir complètement les schémas de pensée actuels.



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